___Un doux soir de décembre, la lune éclairait la vitrine d'un petit magasin de jouets. Situé dans une rue peu passante, l'intérieur était chaleureux et accueillant. En y entrant, on était tout de suite éblouit par l'étalage de couleurs s'offrant à nous. Au milieu de camion, de pantins et de peluches se trouvait une petite chaise berçante où était confortablement nichée une poupée. Elle était loin d'être la plus jolie du magasin, c'est donc pour cela qu'elle y attendait depuis des années. Elle connaissait tous les jouets du magasin et en avait vu passer des centaines d'autres. Mais elle y était toujours, fidèle à son poste, sur sa petite chaise. Jour après jour elle espérait sortir de cette prison, jour après jour elle espérait voir les yeux d'un enfant s'attarder sur elle pour ensuite supplier ses parents de le lui acheter. Mais plus les années passaient, plus elle perdait espoir.
___Ce que la poupée ne savait pas était que, depuis toutes ces années, la lune l'observait tous les soirs. Prise de pitié pour ce petit corps inanimé, cette dernière décida de lui donner le souffle de vie. Une douce brise s'infiltra dans le magasin de jouet, embrassa la poupée et disparut dans les profondeurs de la boutique. La chaise de la demoiselle continua de balancer un instant, puis tout redevint normal à nouveau. C'est du moins ce qu'elle pensait avant de sentir une goute perler au coin de son oeil. À part des émotions, la petite n'avait jamais rien ressentit auparavant, elle fut prise d'un soubresaut et faillit tomber de sa chaise à bascule. Elle découvrit qu'elle pouvait bouger, qu'elle pouvait sentir le monde autour d'elle. Prise d'une joie sans borne, elle se hissa jusqu'à la fenêtre et admira le paysage : c'était si beau le monde extérieur, elle rêvait d'y accéder depuis si longtemps mais n'avait jamais trouvé une âme qui veuille bien l'y emmener. Peu importe, maintenant elle était maître d'elle-même et le découvrirait seule. Elle poussa la fenêtre et sauta dans un banc de neige, laissant un gros trou sur son passage. Elle parcourut nombre de rues pour finir par s'endormir sur le rebord de la fenêtre d'une maison abandonnée. Le lendemain elle fut réveillée par des cris d'enfants : deux petites filles se chamaillaient pour savoir laquelle des deux allait la garder. La poupée écarquilla les yeux et resta inanimée, de peur que l'enfant ne veuille d'une poupée vivante. Elle ne raterait pas sa chance. Une des deux gamines finit par gagner et ramena la poupée. Le jouet était aux anges, mais sa joie fut de courte durée quand la gamine l'abandonna sur une étagère au milieu de dizaines d'autres poupées qui ramassaient la poussière. Finalement, son rêve était loin de ce qu'elle imaginait.
___Pour la deuxième fois, elle s'enfuit de ce qui était sa maison, en ce moment elle regrettait la boutique de jouet ainsi que son ancienne vie si confortable. Mais elle savait que si elle y retournait elle ne pourrait jamais plus y être bien maintenant qu'elle avait connu la liberté. Elle ne savait que faire ni où aller. Elle erra ici et là durant de nombreux mois. La lune, silencieuse spectatrice de ce désespoir, regretta d'avoir donné la vie à cette petite créature. En lui offrant la liberté et le choix elle l'avait fait souffrir. Elle l'observa encore quelques jours, prise d'une grande tristesse. Cette petite poupée était tout ce qu'elle admirait et elle aurait tout donné pour la rendre heureuse. Un soir d'automne, elle prit sa décision : tendant un de ses longs bras argentés, elle prit la poupée et l'emmena au Ciel. D'un simple baisé sur le front, elle la plongea dans un éternel sommeil.